mardi 15 juin 2010

Le mariage, parcours d’obstacle pour la jeunesse des ghettos

Le mariage, parcours d’obstacle pour la jeunesse des ghettos

Qu’un Noir kiffe une Blanche ou qu’un Asiatique s’amourache d’une Berbère, ils trouveront, trop souvent encore, des parents pour leur faire la misère.

A Montreuil, les jours de mariage, le quartier de la mairie est souvent bouché. Y déferlent une nuée de lascars, tous sur leur trente-et-un. Costard, cravate, les cheveux impeccablement peignés, rasés ou décolorés pour certains de nos concitoyens de couleur ! Même les plus teigneux se font mignons pour l’occasion. Sans oublier les voitures de luxe, louées : limousine, Porsche, Audi… Les cartes bleues son soumises à rude épreuve et chacun contribue plus ou moins aux dépenses pour aider le cousin, la sœur ou l’ami qui se marie.

Après la mairie viendra l’anarchique cortège où le code de la route n’est plus qu’un lointain souvenir (l’occasion de narguer les policiers assistant impuissants au spectacle). Direction une salle de réception où la fête se poursuivra jusque tard, très tard, dans la nuit.

Un mariage, qu’il soit religieux ou civil, est, comme chacun sait, la célébration d’une union entre deux personnes. Mais c’est aussi, lorsque l’on vit dans un contexte économique et social modeste, une marque de réussite. C’est une forme d’accomplissement personnel qui permet d’effacer la difficulté de la vie et les échecs rencontrés dans sa vie professionnelle. « On remet les compteurs à zéro et on démarre une autre vie », explique Imen, une jeune fille d’Aulnay-sous-Bois (93) s’apprêtant à se marier avec un jeune homme qu’elle a rencontré il y a deux ans.

Pour ceux qui ont réussi professionnellement, le mariage est alors le couronnement final d’un parcours souvent difficile fait de sacrifices. Autre cas de figure : celui des garçons dits « instables », à qui on conseillera : « Marie-toi, fais des mômes… Change ! » Dans ce cas précis c’est « quitte ou double ». Il y a des gens que la rue a trop imprégnés de son soul pour qu’un changement s’opère du jour au lendemain. A l’image d’Alioun, 30 ans. Il a commencé jeune à « traîner », peu à peu Marie Jeanne et le Clan Campbell sont devenus ses meilleurs amis.

Aujourd’hui, Alioun est marié, père et alcoolique, il n’est pas rare de le voir tard le soir titubant dans les rues de Montreuil alors que sa femme, que son père lui a trouvé, espérant ainsi qu’il change, passe ses nuits seule avec son enfant. Les bienfaits du mariage, c’est pas pou tout le monde...

Il demeure que dans certains quartiers populaires (du moins là où l’on a pu promener nos yeux, du 93 au 95, en passant par le 77), le mariage occupe encore une place importante, voire centrale. Il est généralement la consécration d’un amour mutuel et non d’un choix imposé, à l’instar du couple formé par Imen et son futur mari. Néanmoins, des tentsions se font jour parfois entre la « nouvelle » et l’« ancienne » génération : « Ma famille n’est pas du tout d’accord à propos de mon mariage, ce qui provoque des embrouilles, raconte Imen. Ils me jugent encore trop jeune, j’ai 20 ans. Et le fait que je n’ai pas de travail stable n’arrange rien. »

Mais le principal obstacle aux yeux de sa famille est ailleurs. « Elle n’apprécie pas la couleur de peau de l’homme avec qui je souhaite construire ma vie. Nous sommes tous les deux marocains, mais lui est noir », poursuit-elle. Même origine maghrébine, mais elle est blanche et lui, noir. Cette discordance des couleurs continue de gêner fortement dans certaines familles. Tantôt c’est le manque de mélanine qui fait défaut, tantôt l’excès.

On a tendance à croire que ce sont les « Blancs » qui rejettent les « Noirs » par sentiment de supériorité, mais ceux qu’on imagine victimes peuvent devenir bourreau (des cœurs). Laurent a les yeux bridés et les cheveux raides comme un bambou, il aime Djénéba, une fille à la peau couleur café et aux cheveux crépus. Ils s’aiment mais les parents de la belle refusent la « bête jaune ».

Cet attachement à des critères raciaux vient sans doute de ce que les parents ont pour beaucoup vécu « entre eux », entre gens de même origine, de même village, et l’arrivée d’un « autre » bouleverse alors les visions et habitudes de chacun. S’ajoutent à cela les idées reçues et les peurs que la société véhicule. Mais ces visions tendent à disparaître, que ce soit chez les parents ou les enfants.

Avant de se confronter à l’obstacle potentiel des parents, un autre problème, non des moindres, est de trouver l’âme sœur, le mec ou la meuf mortel. Aussi, beaucoup de jeunes gens organisent des rencontres avec des filles afin de tester la compatibilité de ce qui deviendra peut-être un couple. « Lorsqu’une fille m’intéresse, je rentre en contact avec elle en lui faisant comprendre que je suis intéressé par elle pour une vie à deux. Cela fait souvent peur aux filles, car elles ne veulent pas forcément s’engager. Ainsi, j’ai galéré pendant trois ans avant de trouver ma femme », raconte Olivier, fiancé depuis un mois.

Mehdi, un employé de bureau de 25 ans, a, lui, « rencontré plusieurs filles » avec qui « c’est pas passé ». « Quand tu vois toutes les tentations qu’il y a dans la rue aujourd’hui, t’as intérêt à trouver LA fille qui te plaise. Le physique, de nos jours, faut pas blaguer avec ça. Moi, faut qu’elle me plaise à fond sinon c’est pas la peine, je tiendrai pas. » Les réseaux sociaux de type « Fesseback » et les nombreux sites de rencontre du genre « Meetho » n’ont au final rien changé, il demeure encore et toujours des cœurs solitaires à prendre…

Néanmoins, en interrogeant notre jeunesse des ghettos sur la question du mariage, on remarque que le romantisme s’épanouit encore dans les poitrines, à l’image d’une fleur s’extirpant du sol au milieu du bitume. On se marie pour s’engager « concrètement » avec « quelqu’un d’intime », sur qui « on peut compter », mais aussi et surtout, pour « être aimé et aimer ». La chanteuse Wallen a raison : l’amour n’est pas mort...

Aladine Zaiane

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